Amadou TALL / 16 janvier 2013
Ecologie des Vibrio spp. en Manche Mer du Nord : Diversité et occurrence de souches potentiellement pathogènes pour l’homme et les animaux, et déterminisme des paramètres environnementaux sur l’abondance des Vibrio spp.
Direction de thèse / Direction scientifique : Mme Claire BOISSET, Ingénieur de Recherche, CNRS, CRMV, Grenoble / Mme Dominique HERVIO-HEATH, Chercheur, Ifremer, Brest et Mme Aurélie TOURON-BODILIS, Ingénieur-Chercheur, LNHE, EDF R&D, Châtou.
Financement : Ifremer/EDF R&D
Plus de 130 espèces de Vibrio, bactéries ubiquitaires des milieux marins et estuariens sont décrites, dont certaines sont des pathogènes d’organismes marins (poissons, coraux, coquillages, …). Douze espèces sont pathogènes pour l’homme, parmi lesquelles V. cholerae, V. parahaemolyticus et V. vulnificus. Les cas d’infections humaines sont essentiellement liés à la consommation de produits de la mer crus ou à l’exposition de plaies cutanées à l’eau de mer. En France, ce risque est faible mais pourrait s’accentuer en raison de la consommation croissante de produits de la mer, de l'augmentation de la part des individus immunodéprimés dans la population, de l'impact des activités anthropiques et du réchauffement climatique sur le milieu marin. Une meilleure compréhension de l'écologie de ces bactéries (distribution, abondance et diversité) est un pré-requis à la mise en place d’une surveillance environnementale de ce risque. L’étude menée au cours de ma thèse en zone Manche-Mer du Nord, dans le cadre du programme Vibrio Manche (2009-2012, partenariat EDF R&D/Ifremer/Institut Pasteur de Lille), avait pour objectif d'évaluer la diversité et la distribution spatio-temporelle côtière des vibrions, dont des espèces potentiellement pathogènes pour l’homme et les animaux, et leur relation avec les paramètres environnementaux biologiques (phytoplancton et zooplancton) et physico-chimiques.
La stratégie de suivi a reposé sur le dénombrement et l’isolement de souches de Vibrio, à 22°C et 37°C sur milieu sélectif, à partir d’eau de mer et de sédiments superficiels collectés au cours de neuf campagnes d’échantillonnage et associés à la mesure de paramètres environnementaux. Le développement et la validation d’outils d’identification des souches environnementales par PCR en temps réel et le séquençage de marqueurs génétiques discriminants ont conduit à mettre en évidence une grande diversité d’espèces parmi les isolats à 22°C, celle-ci étant composée principalement de pathogènes d’organismes marins dont l’espèce V. splendidus. Les isolats à 37°C, marqués par la prédominance de deux espèces, V. alginolyticus et V. harveyi, et la rareté des pathogènes humains détectés dans les conditions d’analyses retenues pour cette étude. Au terme de l’étude, nous avons mis en évidence la présence de 20 et 17 espèces de vibrions respectivement à 22°C (deux campagnes) et 37°C (neuf campagnes) sur la zone étudiée, et l’influence probable de conditions environnementales contrastées sur la structure de ces populations. En termes d’abondance, les vibrions cultivables à 37°C ont montré une forte saisonnalité, et une relation significative à la température de l’eau et à l’abondance totale du zooplancton. La saisonnalité des vibrions cultivables à 22°C a été moindre, et leur abondance a pu être reliée de façon significative à la concentration en chlorophylle a totale et également à l’abondance totale en zooplancton. Ces éléments de connaissance et la stratégie d’identification développée pourront, à terme, contribuer au développement d’outils de surveillance microbiologique environnementale et ouvrent des perspectives pour mieux comprendre l’écologie des vibrions et les facteurs structurant non seulement leur abondance, mais aussi leur diversité.